Après des titres houleux comme Le France ou Je suis pour, Michel Sardou s’était déjà calmé avec La Java de Broadway ou En chantant. En 1981 arrive sur les ondes Les Lacs du Connemara qui ne cessera plus de nous faire voyager. Patricia Kaas, Patrick Fiori et Garou l’ont reprise pour les Enfoirés 1999.
« Jamais je n'aurais pensé que ce mariage irlandais pût devenir un tel succès » écrira Michel Sardou dans le livre La moitié du chemin (Nathan – 1989). Depuis sa création, le chanteur l’interprète à chacun de ses concerts. C’est ainsi que l’on retrouve ce titre sur tous les albums live et compilations de l’artiste. Et quand on pense que cette chanson a failli ne jamais voir le jour, écoutons Pierre Delanoë nous raconter sa naissance, comme si nous y étions…
A demain !
« On a passé l’après-midi avec Michel Sardou et Jacques Revaux à travailler pour rien. On n’a rien trouvé, on est nuls, secs. On est au mois d’août dans une maison de vacances que Jacques a louée à côté de Houdan. Moi, je suis à Deauville. A la fin de la journée, je leur dis « bon, écoutez les gars, je suis désolé, mais je m’en vais ». En partant, je repasse devant la petite maison à l’intérieur de laquelle Jacques a installé son matériel :
« Au revoir !
- A demain ! m’a-t-il dit tout en jouant quelques notes sur son synthé [ndlr. Pierre chante].
- Dis donc, c’est pas mal du tout ce que tu fais là !
- Ah ? Je ne sais pas… Non, c’est pour accorder mon synthé parce qu’il a voyagé. J’ai peur qu’il soit faux… Qu’est-ce que tu me dis, qu’est-ce que j’ai fait ?
- [ndlr. Pierre chante à nouveau les premières notes] C’est beau ça, c’est un bon départ. Ça sonne irlandais ou écossais.
- Ah, tu crois ? »
Jacques se remet donc au synthé, rejoue en l’arrangeant déjà un peu, en brodant. A ce moment-là, Michel, qui m’avait laissé partir, arrive. Je lui fais remarquer que Jacques a trouvé quelque chose qui me paraît pas mal du tout. Il écoute et me répond « Oui, c’est bon. Travaille et à demain ! ». Et je m’en vais…
In extremis
En cours de route, je pense, je réfléchis à toutes sortes de choses, notamment à l’Irlande que je connaissais bien parce que j’y avais passé des vacances pas longtemps auparavant. Donc je commence à gamberger, j’y pense beaucoup, pendant toute la soirée et même pendant la nuit. Le lendemain matin, je rejoins Jacques et Michel qui me demandent ce que j’ai trouvé. Je leur réponds « L’homme tranquille ! », en faisant référence au film de John Ford. Mais ils me rétorquent « Ça existe ça, mon petit bonhomme, tu nous reproduis exactement ce qui existe déjà ! Ça ne nous intéresse pas. » Ils me virent.
Bon, je me retrouve viré, j’ai perdu l’affaire. Mais attention, on ne m’a pas comme ça moi ! Je me récupère :
« OK les gars, vous me virez, mais avant, écoutez-moi, je vais vous raconter l’Irlande… Quand j’y suis allé, je suis parti du bas… suis allé jusqu’en haut, là où j’ai fait mon Opéra d’Aran, les Iles d’Aran, les Lacs du Connemara…
- Tu dis quoi ? m’arrête Michel. Les Lacs du Connemara ? Voilà un bon titre !
- T’es fou, un bon titre… Personne ne connaît les Lacs du Connemara en France. C’est épouvantable.
- Si, si, c’est un bon titre ! insiste-t-il. »
Et allez donc ! On part sur Les Lacs du Connemara qui est le titre que j’ai donné à Michel, qu’il a récupéré, alors que moi, je n’en voulais pas ! Je l’ai fini tout seul, pendant que Jacques Revaux faisait cette superbe musique que vous connaissez. C’est une merveille ! »
En aparté
Qu’avez-vous ressenti la 1ère fois que vous l’avez entendu chanter par Michel Sardou ?
C’est agréable, mais vous savez, je l’ai tellement entendue, il y a tellement de répétitions et de radotages, il n’y a pas vraiment de première audition. Ça vient, on ne sait pas bien quand. En tous cas, c’est comme ça que Les Lacs du Connemara sont nés. C’est curieux !
Propos reccueillis par Maritta Calvez en 2005 (magazine Chanson Mag n°1)