Akai DD1000

Verdict

Qualité sonore : 73.5% - 2 Votes
Ergonomie : 61% - 1 Votes
Rapport Qualité / Prix : 56% - 1 Votes

Laissez également votre vote pour chaque produit testé sur ce site !

L'enregistrement sans bande, encore appelé tapeless ou direct to disk, gagne petit à petit du terrain. L'une des dernières forteresses à résister à l'envahisseur digital est en train de tomber. Avec son éditeur numérique sur disque magnéto-optique, le DD1000, Akai lui porte un coup fatal...

Le direct to disk est un appareil qui numérise de l'audio pour l'enregistrer en temps réel sur une mémoire de masse. L'avantage d'un tel système par rapport à son homologue à bande, c'est qu'il traite le son tout comme un traitement de texte traite l'écriture. Les fonctions couper, coller, assembler, ..., viennent avantageusement se substituer aux ignobles ciseaux. D'où le terme plus approprié d'éditeur digital.

Les deux font la paire

Le système Akai est élaboré autour de la technologie du disque magnéto-optique (voir encadré). D'une capacité globale de 640 méga-octets, chaque face (320 méga-octets) offre environ cinquante quatre minutes et quatre secondes d'enregistrement linéaire à une fréquence d'échantillonnage de 48 KHz. Son principal atout réside dans l'amovibilité du support.

Le DD1000 est capable d'enregistrer en mono ou en stéréo, et de lire simultanément deux enregistrements (soit deux stéréo, soit un stéréo plus un mono, soit deux mono). Il serait donc plus précis de parler de deux paires stéréo (utilisables en mono), puisque les quatre pistes en lecture ne sont indépendantes que deux à deux.

Vous en voulez encore plus ? Dans sa configuration maximum, jusqu'à sept DD1000 sont interconnectables (vingt-huit pistes), et six DON supplémentaires viendront se raccorder sur chacun d'entre eux (en mode overflow, un fichier trop long s'enregistrera sur plusieurs disques). En option, le DL1000 télécommandera et synchronisera l'ensemble. Il s'agit d'une copie de la face avant du DD1000, avec quelques bonus supplémentaires (lecture écriture SMPTE, faders assignables et enregistrables, etc).

Le DD1000 fonctionne le plus simplement du monde, grâce à une ergonomie qui n'est pas sans rappeler une certaine série S, doublée d'une aide en ligne (une simple pression sur la touche help vous informe sur la manipulation courante). Son système d'exploitation est scindé en cinq modes pincipaux : le mode record (dont je vous laisse deviner l'usage), le mode edit cut (édition d'un enregistrement), et les modes cue list (Q list), song, et play sheet.

Ces trois derniers modes sont destinés à programmer la lecture des portions d'un enregistrement (les cuts), éditées dans le mode précédent. Dernier point de terminologie, la take n'est autre qu'un enregistrement (ou prise, en français dans le texte). Patience, il reste encore un paragraphe avant de pouvoir enclencher la touche record ...

Prise de take

Préalablement à tout enregistrement, il convient de formater le disque magnéto optique (comptez vingt-huit minutes et vingt-quatre secondes), et de procéder aux réglages de base du mode record. Vous avez le choix entre une entrée analogique XLR à + 4 dB, une entrée numérique au format AES/EBU (cinch, fibre optique), ou une entrée en provenance d'un autre DD1000 par l'intermédiaire du bus digital direct.

En analogique, les fréquences d'échantillonnage sont de 32, 44,1, et 48 KHz, tandis qu'en numérique, celle du signal entrant accepte d'être convertie en temps réel (une utilisation détournée de la machine consistant à s'en servir d'interface entre la sortie d'un CD à 44,1 KHz et l'entrée d'un DAT en 48 KHz). On en termine avec le type d'enregistrement (stéréo, mono gauche, ou mono droit), la sélection du mode overdub (enregistrement punch-in/out avec écoute simultanée d'un fichier en lecture), et la validation du pre-emphasis (sorte de réducteur de bruit des convertisseurs numérique par préaccentuation des aigus).

Pour ne pas perdre de temps, lorsque le DD1000 enregistre, vous avez le choix entre aller prendre un café, ou rentrer à la volée trois points de repères (end, start, marker), ce qui aura pour effet de définir un cut.

Pas d'illusion d'optique

C'est bien gentil d'énumérer les caractéristiques d'une machine, mais qu'en est-il exactement de la qualité audio ? Une fois de plus, mon éminent acolyte Pierre Jacquot a débarqué avec une collection d'octets à faire frémir une armée de convertisseurs. Au programme, des échantillons Synclavier extraits de l'album 'slave to the rythm' de Grace Jones, avec tests de phase, fronts de modulation divers et variés, passage d'un canal à l'autre, etc. Rien à dire, le DD1000 s'est brillamment tiré de cette univers impitoyable, en restituant l'ensemble avec une fidélité irréprochable. Vingt sur vingt en audio !

Ne coupez pas

Après l'enregistrement des takes, l'étape suivante consiste à les éditer, c'est à dire à les découper en un certains nombre de portions: les cuts. Ne predez surtout pas de vue que le découpage est une opération complètement virtuelle, et c'est là l'un des points fort d'un système tapeless. En réalité, le DD1000 se contente de mémoriser les adresses que vous lui indiquez: c'est une édition NON DESTRUCTIVE où l'erreur est toujours réparable. A condition de ne pas découper votre disque optique aux ciseaux !

Chaque cut (jusqu'à cinquante par take) est délimité par trois points: un point de départ, un point de fin, et un General Purpose Marker, ou GPM (sorte de locator situé aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du cut, et dont l'utilité apparaitra plus clairement d'ici quelques instants). A l'arrêt, la programmation de ces trois points s'effectue par saisie numérique, par incrément/décrément, ou grâce au potentiomètre rotatif (dans ces deux derniers cas, la précision de manipulation est liée au degré de zoom, étudié au paragraphe suivant).

Le mode à la volée est le plus adapté au découpage d'un take en cuts. En écoutant jouer tout ou partie de l'enregistrement et en pressant successivement les touches du pavé numérique (0 à 9), vous délimiterez les points de début et de fin d'une série d'un maximum de dix cuts (la fin d'un cut représentant le début du suivant, et l'arrêt de la lecture marquant la fin du dernier puisqu'onze points sont bien nécessaires pour délimiter dix intervalles, non ?).

La gestion du nom des cuts est prise en charge par le DD1000, la dernière position s'étant automatiquement remplie en fonction de la touche numérique pressée (avec cut comme nom inital, on obtiendra cut 0, cut 1, ..., cut 9). En changeant ce nom, rien n'empêchera de repasser une seconde fois en lecture pour en créer dix autres, etc. Certaines combinaisons du mode à la volée sont quasiment indescriptibles (second passage sur des noms déjà existants, création de cuts à l'intérieur d'un cut, etc). Retenez juste qu'à ce stade, les enregistrements sont découpés selon vos moindres désirs, et prêts à s'assembler dans l'un des trois modes de lecture.

akai dd1000 rear

Voir et entendre

Non, la taille de l'écran du DD1000 n'est pas trop juste pour éditer les cuts avec précision. Les zooms verticaux et horizontaux (jusqu'à l'échantillon près) sont d'une extrême précision, et leur paramètrage présente l'avantage d'être automatiquement mémorisé avec chaque cut.

En dehors des quatre standards SMPTE (24, 25, 30, 30 DR), le compteur de temps commute en bar/beat/clock (paramètrable), ou en nombre de mots numériques (dans le langage direct to disk, le mot numérique est synonyme d'échantillon). Sur le plan stéréo, il est possible d'afficher la partie gauche ou droite de la forme d'onde, les deux à la fois (l'une en dessous de l'autre, et seulement à partir d'un certain degré de zoom), ou encore leur somme. De quoi vous en mettre plein la vue, et si par hasard cela ne vous suffisait pas, un logiciel d'édition sur Macintosh est sous presse. Et avec les oreilles ?

Trois touches de lecture sont à votre disposition. La première joue le take dans son intégralité, la seconde le cut, et la troisième démarre à partir du GPM. En maintenant l'une de ces trois touches pressée, le DD1000 boucle autour du point de départ, et en la redéclenchant pendant la lecture, la portion sélectionnée repart de son début. De plus, une sorte de bande horizontale se remplit au fur que la 'tête' avance.
Mais ce ne sont que broutilles, par rapport à la fonction jog. Grâce à elle, le potentiomètre rotatif (normalement utilisé pour rentrer des données), simule le déplacement des bandes à la main, d'un mouvement très lent jusqu'à un maximum de trois fois la vitesse de lecture !

Une lecture mot à mot

Dans tous les modes de lecture, chaque cut possède un temps de montée (fade-in) et un temps de descente (fade-down) d'un maximum de soixante secondes selon une courbe exponentielle, un offset d'amplitude dans une fourchette de - 99 / + 12 dB, un réglage de sortie (A ou B), et de balance par rapport à cette sortie. Mais au fait, pourquoi trois modes de lecture ? Et bien pour satisfaire à trois catégories d'utilisations : audio, audio-vidéo, et broadcast (diffusion radio, TV, Disc Jockeys, etc). Ce cloisonnement n'est pas si radical qu'il n'y parait : il permet avant tout d'aborder la phase de lecture par la méthode la plus appropriée au travail à réaliser.

 Direct to disk et mémoire de masse

Tout comme un échantillonneur, le direct to disk convertit le signal audio en une suite d'informations numériques. Mais au lieu de stocker les données en mémoire vive, il les inscrit en temps réel sur une mémoire de masse, capable de les écrire au fur et à mesure de leur arrivée, sans délai aucun.

Faites le calcul, une conversion stéréo 16 bits en 44,1 KHz nécessite un débit de transfert de 176.400 octets par seconde (environ 1,72 mégabits). En lecture, le principe est identique, tout en sachant que ce débit de transfert doublera pour chaque paire stéréo supplémentaire (3,44 mégabits en version quatre pistes). Pas de souçi à se faire sur ce point précis, un disque dur tournant en moyenne entre 5 et 12 mégabits, un un disque optique entre 5 et 9 (7,4 pour celui du DD1000).

Autre caractéristique des mémoires de masse, le temps d'accès moyen de la tête de lecture à un endroit donné du disque. En effet, contrairement à une bande, les fichiers audio (les pistes, si vous préférez), ne se situent pas physiquement l'une à coté de l'autre. Pour en lire simultanément plusieurs, la tête de lecture se déplace constamment d'un endroit à un autre. Très schématiquement, elle profite d'un débit de transfert supérieur au débit nécessaire, pour prendre de l'avance en lecture en stockant des informations dans une RAM innaccessible à l'utilisateur (un buffer). Cette avance lui laisse suffisamment de temps pour anticiper sur l'accès suivant.

Q-list

Le mode Q-list, très ciblé post-production audio-vidéo, est le plus puissant des trois modes de lectures du DD1000. Il est représenté par une liste de cuts, chaque cut étant associé à une référence horaire interne (SMPTE, mot numérique, bar/beat/clock), ou externe (SMPTE). En plus de cuts, la Q-list accepte également des messages MIDI de program change et de note (pour déclencher par exemple des bruitages courts sur un sampler externe), ainsi qu'un temps de fade commun à un ensemble de cuts. Les points de déclenchement des cuts se saisiront manuellement, ou à la volée (dans ce dernier cas, ils se placeront directement en fin de liste quelle que soit leur heure, la fonction sort se chargeant de les trier ultérieurement).

L'élaboration de la Q-list fait appel à des fonctions de copie élaborées (s'adressant à un cut ou à un ensemble de cuts). La fonction 'copy' duplique un cut (le copie à la même heure), la fonction 'copy + t' le copie à la position du point de fin, et la fonction 'copy + g', à l'offset déterminé par la position du marqueur. Enfin, la fonction 'time - g', permet de caler un point précis placé au beau milieu d'un cut (déterminé par la position du GPM), pour qu'il tombe pile au point de start du précedent cut.

Si le réalisateur pour qui vous travaillez décide subitement d'insérer ou de supprimer une séquence d'images, la fonction slip décalera d'autant une portion de Q-list. J'ai oublié de vous préciser qu'un take pouvait être enregistré avec le time-code externe. Il viendra alors se caler automatiquement dans la Q-list, à l'heure en question (pratique pour récupérer de l'audio en synchronisation à un magnétoscope, pour le recaler ensuite automatiquement).

Une fois fois la Q-list terminée, la fonction retake permettra de faire du tracking (tout comme sur un magnétophone à bande conventionnel), c'est à dire de réduire sur un seul et même fichier l'ensemble des deux paires stéréo (avec conservation des panoramiques, fade-in/out, et niveaux). Comme quoi la limitation à quatre pistes en lecture demeure très théorique.

Song

En mode song, les cuts s'agencent de la même manière que les patterns d'un séquenceur. Chaque étape de l'enchaînement est définie par le nom du take, le nom du cut, le nombre de répétitions, et le pourcentage d'overlap entre deux étapes (ou entre chaque répétition d'une même étape). Cette fonction d'overlap s'utilise conjointement aux réglages de fade-in/fade-down de chaque cut, et en détermine ainsi le pourcentage. De quoi concocter jingles et remix durant les longues soirées d'hiver.
Après avoir programmé un song, la fonction make Q-list se chargera de le transformer en une Q-list, avec pour chaque cut (ou répétition de cuts), les références horaires correspondantes. Un atout non négligeable pour rentrer de nombreuses répétitions d'un cut, sans avoir à abuser du 'copy + t'.

Play sheet

L'utilisation de la play sheet est d'une facilité déconcertante. Elle offre l'accès simultané à neuf cuts, en les déclenchant du pavé numérique (en mode one shot ou en tenue). Même si ces différents cuts se situent physiquement à des emplacements très éloignés entre eux sur le disque, leurs attaques sont mémorisées en RAM (bufferisées) afin de pouvoir passer instantanément de l'un à l'autre. Les radios et chaînes de télé vont adorer (diffusion de jingles), et les Disc Jockeys aussi (juke-box numérique, inserts de bruitages, remix en direct, ...). C'est ce qu'on appelle des applications broadcast.

Coté MIDI, un numéro de program change pourra être affecté à chaque play-sheet, et un numéro de note à chaque cut d'une play sheet (avec influence de la vélocité sur le volume). Là encore, l'interaction avec le mode Q-list ouvre de nouveaux horizons. Après avoir fait partir le code (interne ou externe), les cuts déclenchés à la volée se répercuteront automatiquement dans la Q-list avec les références horaires correspondantes. En synchronisation avec un magnétoscope, c'est une fonction qui facilitera grandement les calages de bruitages à l'image.

Une version d'avance

Dans une prochaine update, il serait entre autres question d'intégrer des traitements du style égalisation, mais aussi et surtout le time stretching/crunching. Décompressez cinq minutes, car il paraîtrait même qu'il puisse agir en temps réel dans une limite de +/- 10% !

Dans son état actuel, le DD1000 est capable de suivre une fluctuation de vitesse du time-code externe en mode d'asservissement en faisant varier la vitesse de lecture des cuts (et donc leur hauteur), alors imaginez le résultat, mais cette fois-ci sans transposition ... En parlant d'asservissement, la seule chose qui ne soit pas d'origine sur le DD1000 est une interface optionnelle destinée à l'asservir à un code VITC.

A force d'utiliser l'informatique musicale et les technologies digitales, on s'aperçoit que les véritables révolutions sont rares : le premier synthé numérique, le MIDI, le premier ordinateur, le premier échantillonneur, ... De la même manière, le DD1000 est à placer parmi les produits 'charnière', qui bouleversent les méthodes de travail et sur lesquels on s'enthousiasme réellement. Certes, Akai n'est pas l'inventeur du direct to disk, mais il a su l'amener à un niveau de qualité élevé pour un prix défiant toute concurrence (10 600 € HT). Le DD1000 risque bien d'être le premier à démocratiser les systèmes tapeless !

 Le DD1000 et la technologie magnéto-optique

Le famille des DON (pour Disque Optique Numérique) regroupe les CD-ROM (Compact Disc Read Only Memory), les WORM (Write Only Read Many), et, mais c'est plus difficile à prononcer, les WRMA (Write Many Read Always). C'est à cette dernière catégorie qu'appartient le disque magnéto-optique employé par Akai. Si le disque dur qui fait appel à une technologie magnétique, le WRMA la conjugue avec une technologie optique (laser). Ce n'est qu'en associant ces deux procédés (magnétisation et échauffement d'une couche thermo-sensible), qu'il est possible d'écrire des données. Quant à la lecture, elle s'opère par photodétection.

Par conséquent, la fiabilité est excellente, et la présence d'un champ magnétique à proximité d'un disque ne risquera pas d'altérer les données. D'autre part, le constructeur garantit ce type de support pour plus d'un million d'opérations d'écriture sur un même point, et pour une longévité d'au minimum vingt ans (quoi qu'il en soit, il sera toujours possible d'effectuer des sauvegardes sans aucune perte, le moment venu).

Le disque magnéto-optique est en tout point supérieur au disque dur, si ce n'est en ce qui concerne les temps d'accès, dont Akai s'est joué avec une facilité déconcertante. Fiabilité, amovibilité, capacité, tels sont les principaux avantages du DON. Sans compter qu'avec deux lecteurs, adieu la fastidieuse utilisation d'un streamer pour les backups (dérouleur à bande sur lequel sont archivées les données d'un disque dur). Dernier atout propre au DD1000, son disque magnéto-optique est compatible avec le S1000 via l'interface SCSI: une face pour l'un, une pour l'autre. Pas de jaloux !

 Test réalisé par Christian Braut en octobre 1990 (Keyboards Magazine n°37)

Pin It