Tascam MSR24

Verdict

Qualité sonore : 70.83% - 6 Votes
Ergonomie : 77.25% - 4 Votes
Rapport Qualité / Prix : 72.75% - 4 Votes

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Je propose un contrôle anti-dopage pour tout le staff des bureaux d’étude Tascam. Depuis le salon de la musique, ils n’arrêtent plus : MM1, 644, 688 et maintenant le MSR24. Un 24 pistes sur bande un pouce avec DBX incorporé ! L’heure est au renouveau de l’analogique.

Le magnétophone multipiste semi-professionnel a fait son apparition avec les premiers quatre pistes pleine bande (1/4 de pouce), suivis de près par les huit pistes (1/2, puis 1/4 de pouces), parallèlement au développement des platines cassette quatre pistes (1/8 de pouce), jusqu’aux récentes platines huit pistes (toujours sur 1/8 de pouce). Il faudra bien qu’un jour ou l’autre, les détracteurs du « toujours moins large, toujours plus de pistes » fassent preuve d’un peu de bon sens.

Qu’ils arrêtent cinq minutes de nous asséner des propos incohérents quant à la dynamique, la diaphonie et autres fleurons de la physico-acoustique. Quand se rendront-ils compte, que depuis l’antiquité, les techniques d’enregistrement ont progressé. Alors, plutôt que de se servir de leurs deux oreilles pour dormir, qu’ils écoutent quelques instants les performances du Tascam MSR24.

Le grand déballage

Ne sautez pas à la fin de cet article pour lire le prix public généralement constaté au 01/02/90. Il est de, seulement, 16 000 € !!! A ce tarif là, c’en est presque louche. Fébrile, j’arrache le carton d’emballage, pour sortir le petit de sa tanière en polystyrène.

Première constatation, il est d’un faible encombrement et sa taille n’a rien de comparable avec celle des 2 pouces habituels. Il va même jusqu’à être rackable pour un total de 9 unités. rappelez-vous du modèle 16 pistes/1 pouce de la marque, le 85-16. Rien que l’électronique (sans le magnétophone), nécessitait 3 racks de 4 unités. L’alimentation du MSR24 est par contre séparée. Elle distribue les tensions nécessaires au bon fonctionnement de la machine (amplification, bias, moteur, signaux logiques…).

Ces présentations d’usage terminées, nous passons à un examen complet de l’affaire, à commencer par les connecteurs du panneau arrière. Les 24 entrées et sorties se présentent sous la forme de prises RCA (à un niveau de -10 dB), ce qui les rends compatibles avec l’ensemble du matériel semi-professionnel.

Toute médaille a son revers, et vous êtes privés d’une communication directe à la norme professionnelle (+ 4dB, entrées/sorties symétriques). En plus d’un connecteur pour télécommande (remote) et d'un punch IN/OUT au pied, deux prises accessoires (série et parallèle), sont prévues à des fins de synchronisation.

Laissez-moi le temps de câbler le tout à ma console, d'aller chercher une bande 1 pouce (le MSR24 est réglé d'usine pour l'Ampex 456), et nous voilà partis à une vitesse de défilement de 19 ou 38 cm/s. Le ton de la machine est donné : tout est prévu pour qu'elle envahisse le milieu des home-studios, et même celui des studios semi-professionnels !

Les joies de la glisse

Rien n'est plus désagréable, pour un habitué du séquenceur atteint de paresse incurable, que de charger une bande. Cette opération harassante terminée, enclenchez la fonction « load » pour éviter que la dite bande ne s'échappe de ses bobines. Elle ira alors docilement se caler une minute plus loin, à un point qu’elle mémorisera comme point de départ.

Le point de fin de bande étant également fixé automatiquement, en fonction de la vitesse de défilement (30 minutes plus loin en 38, 60 en 19). L'utilisateur pourra visualiser, effacer, et même programmer ces deux points (si le mode automatique ne lui convient pas), par pression simultanée des touches load, et memo 1/memo 2.

En association avec la fonction « auto-end », il deviendra tout à fait impossible de rembobiner, et de lire, en dehors de cette plage utile. Sauf en enregistrement, la bande s’arrêtera à détection de ces « butoirs ».

En mode « auto-spool », les manœuvres de défilement rapide ralentiront leur vitesse, après dépassement du point de fin, ou d’un retour au-delà du point de début. Ceci pour éviter un « unload » trop brutal (sortie de la bande hors des bobines). Notons au passage que même sur des magnétophones haut de gamme, cette fonction est relativement récente.

De même, lors du rembobinage vers un point mémorisé (locator, retour au zéro du compteur), la bande se mettra à ralentir quelques cinquante secondes avant son arrivée à destination. Une précaution mécanique un peu longue à subir, mais sécurisante. Dans le même genre d’idée, la touche spool diminuera les manœuvres de rembobinage au tiers de leur vitesse.

En lecture et enregistrement, le pitch-control (variation de vitesse de ± 15 %) se pilotera soit d’un potentiomètre en face avant, soit d’un synchroniseur externe. Une position fixe bloquante évitera toute manipulation intempestive.

Une bonne mémoire

Hormis celles de la fonction load, le MSR24 est capable de mémoriser deux adresses sur la bande. Une simple pression sur les touches memo 1/2 suffira à stocker les points courants dans les locators correspondants, que ce soit à l’arrêt ou pendant le défilement (au vol). Le reset (remise à zéro du compteur) n'atfecte en rien la position absolue de ces mémoires, dont le contenu s'affiche ou s'efface à tout instant à l’aide des boutons check et clear.

Ces locators sont à la base des manipulations de bouclage entre leurs deux limites (repeat 1-2), de punch IN/OUT automatique (et du mode d'entraînement qui lui est lié), ou encore du rembobinage vers l'un d'entre eux (loc 1/2).

Dans ce dernier cas, ainsi que dans celui d'un retour à zéro (RTZ), la fonction auto-play basculera immédiatement le magnétophone en lecture, à la fin du rembobinage. A part ça, la cinématique du MSR24 est assistée par microprocesseur 8 bits, avec feedback constant sur l'état de tension de la bande. Une logique bien pensée. Espérons seulement que la télécommande possède des mémoires supplémentaires (locators).

Pas plus de huit bus

Sur une console haut de gamme, n’importe quelle piste, ou groupe de pistes, s’assignent par simple switch vers n’importe quelle entrée d’un multipiste. Ce sont les bus de sorties. Il est cependant assez peu fréquent d’enregistrer 24 pistes en une seule prise.

Le MSR24 étant une machine démocratique, tout a été prévu pour un raccordement vers une console plus modeste, dotée par exemple de huit sous-groupes. Tascam incorpore directement dans son magnétophone les fonctionnalités d’un patch audio.

J’ai volontairement passé sous silence deux petits switches placés (malheureusement) sur le panneau arrière. Ils ont pour but la dérivation des signaux d’entrées 1 à 8 vers, et les entrées 9 à 16, et les entrées 17 à 23 (la 24 étant réservée au time-code, sauf retour à l’usine pour modification).

A l’aide de seulement huit sous-groupes, et ce procédé nommé « input link », vous pourrez donc alimenter en totalité le MSR24, pour une simultanéité maximum de huit pistes en enregistrement. Pas bête !

Où ai-je la tête ?

Ce bref rappel théorique est destiné à ceux d'entre vous qui sont peu familiarisés avec les techniques de lecture/enregistrement des magnétophones multipistes professionnels. De gauche à droite, la bande magnétique défile normalement devant trois têtes : la tête d'effacement, la tête d'enregistrement/lecture synchrone, et la tête de lecture.

Ce qu’il est important de comprendre, c'est le pourquoi de la lecture sur la tête d'enregistrement. Pour cela, examinons le cas de figure d'un musicien enregistrant par exemple la piste 2, tout en écoutant la piste 3.

Si le monitoring (écoute) de la piste passe par la tête de lecture, il est bien évident qu'à la prise, l'enregistrement de la piste 2 sera décalé du temps que mettra la bande à passer de la tête d’enregistrement à celle de lecture. Que faire pour compenser ce retard ? Le moyen le plus simple consiste à annuler la distance physique entre ces deux têtes, en ne se servant que de celle du milieu. Les points de lecture et d’enregistrement se retrouvent alors géographiquement au même endroit.

Ainsi, les problèmes de synchronisme entre un re-recordlng et les pistes préalablement enregistrées sont résolus. Si aucun enregistrement n'est en cours, c'est la véritable tête de lecture qui Interviendra selon le bon vouloir de l 'utilisateur. Si sa qualité est quelque peu supérieure, elle permet surtout d’écouter directement le signal après enregistrement.

Suivez le monitor

Le MSR24 ne possède quant à lui que les deux premières têtes. Mais la différence de qualité n'est pas trop pénalisante, et si les économies sont substantielles pour Tascam, elles le sont aussi pour vous ; lors de l'achat, et du changement des têtes.

En pratique, le MSR24 gère le monitoring à l’aide de trois switches : all-input, auto-input et insert. Le switch d’insertion s’utilise pour les punches IN/OUT et n’affecte donc que les pistes dont le témoin d’enregistrement est sur ON (LED clignotante).

Lorsque ce switch est enclenché, vous écoutez en lecture et pour les pistes sélectionnées, le signal enregistré sur la bande (tape). Lors de l’enregistrement, l’écoute bascule sur le signal entrant (source, ou input). Mais à l’arrêt, rien ? Sans la position d’insertion, seul le signal source est acheminé en sortie, toujours pour ces mêmes pistes, et ce quel que soit le mode du magnétophone (arrêt, enregistrement, lecture). Le switch auto-input commute automatiquement en source les pistes dont le témoin d’enregistrement est sur ON. All input procède de même pour l’ensemble des 24 pistes, ce qui est bien pratique lorsqu’on est perdu dans ses assignations.

Bon pour l'entraînement

Maintenant que la commutation tape/source n'a plus de secrets pour vous, voyons un peu les fonctionnalités de punch IN/OUT (réenregistrement d’une partie de piste), que TAscam nous propose. Le secret d’un bon punch tient dans un choix judicieux des points d’entrée et de sortie.

C'est pourquoi une fonction d'entraînement (rehearsal) est à votre disposition. La première étape consiste à mémoriser le point de préroll (départ de la lecture), ainsi que les points de début et de fin d'enregistrement.

Procédez alors de même que pour un enregistrement normal. La bande démarrera du point de préroll pour arriver à celui de punch-IN où le signal basculera de tape en source, simulant ainsi l 'enregistrement sans rien coucher sur la bande (et surtout sans l'effacer).

Le passage du point de punch-OUT inversera le procédé et, après 3 secondes de lecture (post-roll), la bande reviendra à son point de départ. Si vous êtes satisfait du résultat, le mode auto-punch enregistrera automatiquement et pour de bon, ce que vous venez de répéter.

Pour plus de précision et en plus du punch au pied, ou manuel, vous pourrez asservir les points d'entrée et de sortie à l’aide d'un ordinateur externe, à un code SMPTE enregistré sur l'une des plates. A ce sujet, la touche sync-lock inhibe l'effet du DBX sur la piste 24 réservée au timecode, et la verrouille après son enregistrement.

Des tests sans complaisance

J'al une fois de plus appelé à la rescousse mon éminent collègue et néanmoins ami Pierre Jacquot, pour qui les monstres sacrés de l'enregistrement n'ont plus de secrets. Et comme un ami n'arrive jamais les mains vides, il est venu accompagné d'une panoplie de cassettes DAT, pleines à craquer de transitoires d'attaque, variations d'amplitude, et autres bêtes noires des magnétophones.

Suite à quelques heures de tests sans relâche, les résultats sont formels : la qualité audio est surprenante dans cette gamme de prix. Après enregistrement d'une piste avec DBX et d'une autre sans, nous avons pu constater, outre l’efficacité du procédé (108 dB de dynamique, voir encadré), sa totale transparence.

Nos quatre pavillons auditifs réunis n'ont pas réussi à déceler la moindre déformation du signal. Vous nous attendiez au tournant avec l'écoute des pistes adjacentes et autres tests de diaphonie, nous y voici. Avec cette largeur de bande et sans le DBX, Je vous l'accorde, ça déborde un peu. Mais enclenchez donc le DBX (Il est la pour ça, et commutable par blocs de huit pistes), et écoutez-moi ce silence !Le couple magnétophone/DBX est un mariage de raison...

Le DBX expliqué 
 

Dans une chaîne de traitement du signal audio, certains maillons restituent moins bien que d’autres la dynamique (notion de différence entre les amplitudes minimum et maximum admises). C’est notamment le cas des bandes magnétiques en utilisation analogique, qui rajoutent de plus un léger bruit de fond.

Plus la largeur de piste est faible et plus ces défauts se font théoriquement sentir. C’est pourquoi Tascam a réalisé un véritable tour de force avec le MSR24. Certains systèmes luttent efficacement contre ces deux fléaux (qui n’a pas sur sa platine cassette de Dolby A, B ou C).

Avec les machines professionnelles, ce sont les Dolby SR et DBX qui se taillent la part du lion. Accrochez-vous bien, sur l’un des 24 pistes analogiques top-niveau (le A820 Studer), l’unité de Dolby SR dépasse la moitié du prix de l’appareil. Ceci pour vous démontrer l’importance du phénomène. Tascam maîtrise le procédé du DBX depuis maintenant pas mal d’années. Il consiste ici à encoder le signal avant l’enregistrement (le compresser d’un rapport 2:1), pour décoder à la lecture (l’expanser d’un rapport de 1:2).

Très schématiquement, la compression rabaisse le niveau des composantes audio les plus fortes en volume, pour en rehausser les plus faibles. Ainsi, dans le cas du MSR24, un signal d’une dynamique de jusqu’à 108 dB est enregistré (encodé) sur une plage de seulement 65 dB (performances du fait de l’expansion du signal à la lecture), le bruit de fond inhérent à la bande se retrouve diminué de manière relative.

L'Editing

Les modes d'édition du MSR24 méritent que l'on s'y arrête quelques instants. En effet, une machine de ce type doit être en mesure de vous fournir tous les outils nécessaires à des manipulations de précision. Le principe de l'éditing en général repose sur le fait que la bande reste collée aux têtes, tandis que vous la faites défiler lentement sur les bobines.

Imaginez la finesse de repérage pour un signal enregistré à 38 cm/s (1 cm équivaut à 28.3 ms). En mode manuel, des capteurs détectent les mouvements que vous imprimez à l'un des deux plateaux, pour faire tourner l'autre dans les mêmes proportions (l'asservir physiquement). Les touches de défilement rapide F.FWD et REW troquent ici leur vitesse de pointe (plus de 600 cm/s) contre des mouvements pas à pas bien plus doux (fonction nudge).

A condition de détendre les guides de tension préalablement au passage en édition (en déroulant légèrement l'un des plateaux), l 'effet d’asservissement est annulé. En plus d'une utilisation manuelle de l’éditing, cela évitera de casser la bande. En pressant simultanément les touchet Play et Edit, le magnétophone lit la bande sans la ré-enrouler sur le plateau récepteur (débrayage du moteur droit).

La fonction « spot erase » vous autorisera l’effacement de la portion de bande que vous ferez avancer à la main, tout en maintenant enfoncée la touche « record ». Pour finir, une pression sur le switch d'édition lors d'un défilement à vitesse rapide permettra un monitoring, avec bien entendu un filtrage des hautes fréquences.

L'un des points forts du MSR24, c'est justement que son prix ne défie pas toute concurrence, puisqu'elle n'existe pas encore. Sans vouloir le comparer à des machines jusqu'ici 5 à 8 fois plus chères, on constate qu’il s’inspire grandement de leurs fonctions avancées.

En tout état de cause, le rapport qualité/prix du MSR24 est dans le peloton de tête des enregistreurs, toutes catégories confondues. La clientèle ciblée englobe ceux qui post-produisent, ceux qui pré-produisent chez eux et qui pourront transférer ailleurs, les semi-professionnels, et plus généralement quiconque a besoin d'un multipiste de qualité pour un investissement plus que raisonnable. à bon enregistreur, salut ...

FICHE TECHNIQUE
Nombre de pistes : 24
Largeur de bande : 1 pouce
Vitesse de défilement : 19/38 cm/s
Niveau d'entrée/sortie : -1 0 dBV
Réducteur de bruit : DBX
Temps de stabilisation : 0.5 s
Temps de remboblnage : 120 s pour
Bande passante : 40 Hz 20 kHz (38 cm/s) / 40 Hz 16 kHz (19 cm/s)
Distorsion harmonique (THD) : < 0,8 % à 1000 Hz
Rapport signal bruit : 108 dB (avec DBX) / 65 dB (sans) à 38 cm/s, 105 dB (avec DBX)/60 db (sans) à 19 cm/s
Diaphonie : > 80 dB à 1 000 Hz avec DBX

 Test réalisé par Christian Braut en février 1990 (Keyboards Magazine n°30)

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