YAMAHA DMR8

Verdict

Qualité sonore : 68% - 1 Votes
Ergonomie : 72% - 1 Votes
Rapport Qualité / Prix : 63% - 1 Votes

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Qui n'a jamais rêvé d'un studio d'enregistrement intégré de la taille d'une boite d'allumettes ? Certes, le DMRB est encore un peu plus encombrant, mais c'est à ma connaissance la seule unité de production entièrement numérique à regrouper magnétophone, console, effets, automation et synchronisation. Un précurseur...

Paradoxalement, alors que les produits numériques sont de plus en plus répandus, jamais le signal audio n'a subi autant de conversions A/D et D/A. Afin de minimiser ce genre de traitements, Yamaha a décidé de réunir dans un seul appareil tous les éléments nécessaires à l'élaboration d'un enregistrement. Ainsi, de la prise de son à la réduction stéréo (sorties AES/EBU et S/PDIF comprises), le signal est manipulé sans sortir du domaine « digital » (19 bits en conversion A/D, 24 pour les bus d'entrée/sortie au format Yamaha MEL 2, 20 en enregistrement, 28 en mixage, 28 pour les effets, 32 en égalisation, et 20 en sortie monitoring avec suréchantillonnage de facteur 8).

Ce principe est poussé à l'extrême, puisque les huit premières entrées de la console, utilisées en enregistrement, sont au format numérique Yamaha. La première étape va donc consister à raccorder le convertisseur AD8X, livré en option, autorisant la connexion de huit instruments au niveau (prises XLR symétriques). La quantification s’opère donc en 19 bits, à des fréquences de 44,1 ou 48 kHz, avec ou sans emphasis. Pour brancher des microphones, on rajoutera le préamplificateur HAB, incluant une alimentation phantom. Mais avant d'enregistrer, attelons-nous donc à l'étude des caractéristiques techniques du magnétophone.

44 pistes sur 8 mm

Le support utilisé par le magnétophone s'apparente aux cassettes vidéo 8 mm, en légèrement plus large au niveau du boîtier. Spécialement développé par Yamaha sous la référence M20P, sa capacité d'enregistrement est de 20 minutes à 48 kHz, pour une durée totale de rembobinage égale à trois minutes. Le DMR8 enregistre en 20 bits à 32, 44.1, et 48 kHz, pour des vitesses de défilement de 84.7, 116.7, et 127 mm/s, avec une dynamique de 120 dB, et une bande passante de 20 - 20000 Hz.

Le système d'introduction et d'éjection de la cassette est similaire à celui d'un magnétoscope, bien que les têtes soient fixes, et non rotatives. De manière à augmenter l'autonomie, pour une longueur de bande donnée, chacune des huit pistes logiques est divisée en cinq pistes physiques (la densité d'enregistrement est de 64 KBPI, pour Kilo Byte Per Inch). Concrètement, quarante pistes se partagent 6.8 mm de bande. La largeur restante est occupée par quatre pistes analogiques : la première pour le contrôle interne du défilement (CTL), la seconde pour l'enregistrement d'un code SMPTE, et les deux autres pour des applications temporaires (métronome, chant témoin...), en raison d'une faible bande passante. En plus d'un mode de sécurité logique (all safe), les protections physiques d'enregistrement sont au nombre de deux : l'une pour les pistes 1 à 4, l'autre pour les pistes 5 à 8.

Et TOC !

Avant d'engager les hostilités, il est vivement conseillé de formater la table des matières (TOC, pour Table Of Contents), qui monopolise 35 secondes en début de bande à des fins de sauvegardes diverses (nom des pistes, des voies, données d'automation, etc). Nous voici donc confrontés à huit entrées d'un côté (les huit canaux de I'AD8X), et à huit pistes de l'autre.

A partir d'ici, le déroulement d'un enregistrement est divisé en cinq modes bien distincts. Le premier d'entre eux, le mode « all rec » se chargera de « time coder » la bande au fur et à mesure de son défilement (opération qu'il est également possible d'effectuer d'une seule traite en début de séance). Ici, toutes les pistes sont placées en position « record » qu'elles reçoivent ou non un signal. Le moment est venu de programmer les assignations, qui, fonctionnellement équivalentes à des sous-groupes, permettent de diriger un ou plusieurs canaux de I'ADX8 vers une ou plusieurs pistes du magnétophone. Ce concept d'assignation est commun à l'ensemble des modes d'enregistrement.

Puiser aux sources

Le mode « sync dub » est chargé du rerecording, et le mode « ping pong » du tracking, qui grâce au positionnement des têtes et à un circuit de délai, autorise la copie de pistes sur elles-mêmes. Par exemple, pour en libérer six, il est tout à fait envisageable de « tracker » les pistes 1 à 8 sur les pistes 1 et 2 ! Le mode « punch-IN » (manuel ou automatique), tire pleinement parti des possibilités du numérique, en intégrant une fonction de crossfade (d'une durée de 1.33 à 2730 millisecondes), la programmation des points d'entrée et de sortie (grâce au pavé numérique, ou « à la volée »), ainsi que celle des temps de pré-roll et de post-roll.

Clôturons cette étude des modes d'enregistrement, avec le « track edit » assimilable à un punch-IN / punch- OUT entre pistes. Maintenant, si vous n'êtes pas certain d'effectuer correctement l'une des manipulations précédentes, le mode « rehearsal » les simulera sans rien inscrire sur la bande. La section locator permet de rentrer une adresse « à la volée » ou de la saisir à l'aide du pavé numérique.

En mode « à la volée », la programmation d'un offset négatif rattrapera le retard inhérent à l'inertie « humaine » de la saisie. Jusqu'à 32 adresses sont mémorisables, dont huit en accès direct (touches 1 à 8), comme pour toutes les mémoires du DMR8. Le nombre de répétitions d'une boucle, entre les points de début et de fin, est programmable de 1 à 255.

Un système modulaire

Une fois la matière première dûment enregistrée, il est grand temps de s'attaquer au mixage. Dans ce mode, le DMR8 est capable de traiter 24 voies : les 8 pistes du magnétophone interne, plus deux groupes de huit canaux en provenance des deux bus numériques. Si le premier d'entre eux nous a servi à raccorder un AD8X lors de la phase d'enregistrement, tous deux sont polyvalents, et acceptent indifféremment la connexion d'un AD8X, d'un autre DMR8, ou d'un DRU8 (magnétophone séparé, équivalent à celui du DMR8).

L'abondance de connecteurs en face arrière en rendrait l'énumération fastidieuse. Sachez seulement que l'architecture du DMR8 est très ouverte, et qu'elle comprend une multitude d'entrées/sorties numériques (dont des boucles d'insertion), analogiques, et de synchronisation. Quelle que soit l'unité à y raccorder (un DAT, un CD, une console DMP en cascade, d'autres DRU8 et DMR8), il est rare de se retrouver face à une impossibilité.

Parmi les applications possibles entre DMR8 et DRU8, citons la télécommande d'un esclave par un maître, la copie de l'un à l'autre (avec ou sans mixage intermédiaire), la synchronisation avec offset (permettant par exemple d'étendre la durée d'enregistrement à 40 minutes, avec prise de relais par un second magnétophone), etc.

Sur la bonne voie

Chaque tranche est composée d'un délai d'un maximum de 999 échantillons, d'une inversion de phase, d'une atténuation d'au plus 24 dB, d'un effet individuel programmable, pre fader et post EQ (emphasis, de-emphasis, compresseur, HPF/ LPF, doublage, écho, flanger), d'un panoramique à 31 pas (« recentrable » par appui simultané sur les deux touches left/right), d'une égalisation paramétrique trois bandes (graves de 32 à 10 000 Hz, médiums de 32 a 18 000 Hz, aigus de 1 000 à 18 000 Hz, « Q » réglable de 0.1 à 5, commutation en mode shelving sur les graves aigus, fonctions bypass), de trois départs d'effets, de fonctions mute et solo, et d'un fader multifonctions.

Pour faciliter la calibration, chaque canal est pourvu d'un oscillateur réglable en fréquence. En groupant plusieurs potentiomètres, un mouvement infligé à l'un d'entre eux déplacera les autres dans les mêmes proportions. Le même genre d'astuce permettra de « muter » une paire de canaux adjacents, en pressant indifféremment la touche correspondante de l'une des deux tranches.

En admettant qu'au beau milieu d'un mouvement ascendant, l'un des faders d'un groupe soit bloqué à sa valeur maximum alors que les autres continuent à progresser, l'écart sera mémorisé, de manière à ce qu'il ne redescende pas tout de suite lors du mouvement descendant, mais comme si il avait poursuivi sa course au delà de la limite.

Les effets

La DMR8 intègre trois effets numériques entièrement programmables, d'une qualité identique à celle des SPX900/SPX1000. Tous sont disponibles lors du mixage, alors qu'en enregistrement, seuls les deux premiers pourront être assignés aux pistes, le troisième étant affecté au monitoring. Comprenant chacun vingt mémoires, ces effets sont stéréo (avec égalisation sur les retours), et commutables en pré ou post fader pour chaque tranche de console. Il est prévu de pouvoir remplacer un ou plusieurs de ces effets internes par des processeurs externes, via des boucles d'insertion au format numérique Yamaha.

Moteur...

La partie console hérite de la philosophie des séries DMP, tout en bénéficiant de nettes améliorations, tant sur le plan de la qualité, de l'ergonomie, ou de la motorisation des faders. Leur déplacement n'influera non plus seulement sur les volumes, envois et retours d'effets, mais sur l'ensemble des paramètres de la console.

Par la simple pression d'une touche, on affectera à tout moment les dix potentiomètres du DMR8 (à la base un par canal, un pour les effets, un pour le volume général), à l'un des trois groupes de huit voies. Chacun d'eux influera sur les volumes, les départs d'effets, les envois aux bus cue et c-r…, à moins qu'on ne choisisse de les utiliser dans leur ensemble pour éditer des paramètres individuels (l'égalisation d'un seul canal, les réglages d'un effet, les principaux paramètres d'une tranche...).

D'une manière générale, dès que les faders passent d'un rôle à l'autre, leur position est instantanément mise à jour dynamiquement par motorisation. Le déplacement d'un potentiomètre agira soit de manière absolue (en fonction de sa position physique), soit de manière relative (en augmentant ou en diminuant la valeur en fonction de son sens de déplacement, et indépendamment de sa position). Pour plus de précision, la fonction zoom utilise toute la courbe du fader pour n'éditer qu'une plage réduite autour de sa valeur courante (grossissement de 1 à 5).

L'automation

Contrairement à la plupart des consoles, qui n'automatisent que les volumes et les mutes, la DMR8 agit sur de nombreux paramètres (EQ ON/OFF, départs et retours d'effets...). Trois buffers sont destinés à stocker différentes tentatives, que l'on mémorisera ensuite définitivement dans l'une des huit mémoires sauvegardables dans la TOC.

D'une résolution comprise entre une et dix « frames » l'enregistrement de l'automation s'active à la mise en route de la cassette (y compris en mode record). L'édition s'effectue en temps réel (réenregistrement d'une certaine portion, sur une ou plusieurs tranches), ainsi que par des fonctions de manipulation de blocs (décalage, copie, déplacement, suppression).

De plus, chaque paramètre de la DMR8 étant assignable à un contrôleur continu, rien n'empêchera de substituer à l'automation interne un séquenceur synchronisé (qui pourra prendre en compte bien plus de paramètres, comme la durée d'un pré-délai la largeur de bande d'un égaliseur, etc).

Voir et entendre

Disponibles sous forme analogique (casque, XLR) et numérique (AES/EBU, S/PDIF), les deux circuits de monitoring sont particulièrement soignés. L'un est conçu pour l’écoute en cabine (c-r, pour control room), et l’autre, uniquement disponible en enregistrement, pour l'écoute en studio (cue). Tous deux acceptent de commuter sur des appareils externes, pour auditionner un mix enregistré sur DAT, etc.

Un micro interne (avec fonction d'atténuation des bus de monitoring), ainsi qu'une prise de raccordement pour un micro placé dans le studio faciliteront le dialogue entre ces deux pièces. Pour des raisons évidentes de compacité les VU-mètres ne sont pas assez nombreux pour afficher simultanément l'intégralité des niveaux. C'est à l'utilisateur de commuter entre les différents modes, en fonction des signaux qu'il désire visualiser.

La fonction « hold » maintiendra les crêtes pendant environ deux secondes. La taille de l'écran LCD principal est nettement suffisante pour guider l’utilisateur dans les manipulations de la DMR8. le second afficheur s'occupant plus spécifiquement des informations temporelles (compteur, locators...), avec incrustation possible sur un moniteur externe.

MIDI et synchronisation

Outre l'envoi de messages MIDI Clock Song Position Pointer, et Song Select, le DMR8 lit et écrit les codes MTC et SMPTE (avec programmation des « user bits »), auxquels il se synchronise. J'ai d'ailleurs tenté l'expérience, en l'asservissant au séquenceur Cubase en MIDI Time Code. Même en programmant de fréquents changements de tempi, le magnétophone se recale sans difficultés.

Fort pratique, la fonction « Jam sync » permet de lire un code et de le régénérer avec un éventuel offset. Afin d'éviter la saturation des liaisons les prises MIDI sont réparties en deux paires d'entrée/sortie (avec fonction « soft THRU ») : l’une pour les messages conventionnels, et l’autre pour le MIDI Time Code.

Les catégories de paramètres mémorisables par le DMR8 sont nombreuses (mémoires de mixage, automation, effets, tables de réassignation des program change, affectation des contrôleurs continus, noms des pistes et des canaux, gabarits, commentaires sur l'enregistrement...). Pour les stocker, on utilisera la mémoire interne, la cartouche, la TOC, ou le dump en système exclusif. L'association d’une position SMPTE à certains types de mémoire les activera lorsque la cassette atteindra l'heure en question.

La clientèle visée par le DMR8 est on ne peut plus clairement définie dans l'introduction de la plaquette Yamaha : « il est destiné à l'usage personnel des musiciens, compositeurs et arrangeurs, qui travaillent dans le domaine de la production musicale à des fins commerciales »· En effet, pour 27 000 € TTC (prix des DMR8/DRU8) il devient difficile d'investir uniquement pour ses loisirs.

Par rapport au coût d'une séance de studio, et sachant que le DMR8 est un outil domestique de réalisation de produits finis, c'est à vous de faire un rapide calcul d'amortissement... Si le DMR8 semble de prime abord quelque peu complexe à maîtriser (n’oublions pas qu'il s'agit d'un studio complet), une fois la logique de la machine assimilée (près d'un Mo de soft !), c'est une véritable partie de plaisir. Plus besoin d'ingurgiter d'aspirine pour câbler, patcher, configurer… Cette solution intégrée, entièrement numérique, matérialise le début d'une nouvelle ère de l'enregistrement...

Test réalisé par Christian Braut en février 1991 (Keyboards Magazine n°41)

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